• La logique économique de l'intelligence artificielle

    Une perspective originale, à la fois simple et brillante du professeur Ajay Agrawal du Rotman School of Business Management de l’Université de Toronto. 

    Quels coûts sont réduits?

    Les économistes posent toujours la même question plate pour évaluer la valeur d’une nouvelle technologie: « Oui, mais ça va faire baisser quels coûts au juste? ».

    Prenons un exemple du passé, les semi-conducteurs, pour illustrer ce qui arrive lorsqu’une technologie fait baisser le coût d’un intrant utile. Les semi-conducteurs ont réduit le coût de faire des opérations arithmétiques et, ce faisant, cela a eu trois conséquences importantes:

    1. Nous nous sommes mis à utiliser de plus en plus d’opérations arithmétiques dans des applications, au début surtout militaires et gouvernementales, qui les utilisaient déjà, puis dans d’autres domaines, comme la prévision de la demande, parce que ces calculs étaient maintenant faciles et peu dispendieux à faire. 

    2. Puis nous nous sommes mis à utiliser ces outils arithmétiques peu dispendieux pour résoudre des problèmes qui n’étaient pas traditionnellement formulés en termes arithmétiques. Par exemple, la création d’images photographiques, qui faisait avant appel à la chimie, est passée au traitement digital. 

    3. En parallèle la valeur d’autres choses a aussi été impactée: celle des compléments aux outils arithmétiques a augmenté (dans le cas de la photographie, pensons aux logiciels et équipements digitaux) et celle de leurs substituts a baissé (par ex. les films et produits chimiques de la photographie traditionnelle). 

    Un pouvoir de prédiction accru

    L’impact économique de l’intelligence artificielle (IA) sera important car il permet de réduire substantiellement le coût d’un intrant de premier ordre dans de nombreuses activités, tant d’affaires que personnelles: le coût de faire des prédictions. 

    Avec la baisse du coût nous utiliserons la prédiction de plus en plus pour des problèmes classiques (par ex. la gestion des stocks), parce que nous pourrons faire de meilleurs prédictions, plus vite, plus facilement et plus économiquement. Mais nous utiliserons aussi la prédiction pour résoudre des problèmes qui n’étaient pas, jusqu’à maintenant, considérés des problèmes de prédiction.

    Par exemple on n’avait jamais considéré les véhicules autonomes comme un problème de prédiction. Traditionnellement les ingénieurs ont conçu des véhicules auto-guidés (AGV) simples pour fonctionner dans des environnements contrôlés, en programmant des trajets filoguidés préétablis dans un entrepôt, ou une usine, et des réactions prédéterminées dans certaines situations (si un humain passe devant alors arrêter; si une étagère est pleine alors passer à la suivante, etc.).

    Mais cette approche est infaisable avec des automobiles dans les rues d’une ville,  parce qu’il y a beaucoup trop de ‘si’ possibles: s’il fait noir, s’il pleut, si un enfant se lance devant, si l’auto en face clignote pour tourner devant nous, etc. Aujourd’hui on peut recadrer ce problème en termes de prédiction. Un algorithme d’IA n’a qu’à prédire une réponse à une seule question: « Que ferait un humain dans cette situation? » Les actions possibles sont limitées: tourner à gauche, à droite, accélérer, ou freiner. Figurativement on met l’IA dans l’auto avec un humain, on lui fait prédire une action. Comme il n’a pas d’yeux ni d’oreilles on le dote de caméras, de radars, de lidars, etc.

    Au début l’IA fera beaucoup d’erreurs. Mais en comparant avec ce que fait l’humain elle apprend et améliore son modèle constamment, jusqu’à devenir tellement bon qu’elle n’a plus besoin de l’humain pour agir.

    Données-jugement-décision-action

    Comme avec l’arithmétique lorsque le coût de la prédiction baisse la valeur de ses substituts diminue et la valeur de ses compléments augmente. Le principal substitut à la prédiction artificielle est la prédiction humaine. Comme humains nous faisons des prédictions continuellement; mais malheureusement nous sommes des penseurs peu disciplinés, en plus d’être sujets à de nombreux biais cognitifs et décisionnels bien documentés, ce qui fait de nous de mauvais prédicteurs. Au fur et à mesure que les prédictions d’IA deviendront meilleures et que leur coût baissera, la valeur de la prédiction humaine diminuera.

    Mais, en même temps, la valeur des compléments à la prédiction augmentera. Parmi ces compléments fréquemment mentionnés on trouve les ‘données’. Plus le coût de prédiction baisse et plus la valeur des données corporatives augmente.

    Cependant, il y a un autre complément important qu’on mentionne moins souvent: le ‘jugement‘ humain. Nous utilisons des prédictions ET du jugement pour prendre des ‘décisions’. Historiquement on a toujours groupé les deux ensemble, dans une étape unique. Maintenant on peut séparer les deux aspects: avec la machine qui prédit le rôle distinct du jugement devient plus clair et sa valeur plus importante, vu que la machine ne peut porter de jugement. L’IA peut seulement faire des (bonnes) prédictions et les transmettre à l’humain pour que celui-ci juge quoi faire avec, i.e. prenne une ‘décision’.

    Un autre complément à la prédiction est l’action’. Une prédiction n’a de la valeur que si elle aboutit sur une action. Par exemple un algorithme de prédiction de la demande a beau être extrêmement juste et précis, il n’aura aucune valeur tant qu’un humain ne décide pas quelle quantité il compte acheter, ou produire. Nous ne possédons pas seulement nos données comme actifs, nous possédons aussi nos actions.

    Au début les outils d’IA auront un impact surtout sur l’efficience d’une compagnie (par ex. des gains de 1-10% du BAIIA), mais sa vraie valeur réside dans son potentiel transformationnel. Par ex. l’outil de recommandation d’Amazon est précis à 5% (i.e. en moyenne nous achetons une recommandation sur 20); ça semble peu, mais quand on pense qu’Amazon vous a sélectionné 20 choix parmi son offre de plusieurs millions d’items, c’est quand même pas mal! Mais le jour où sa précision atteindra 50% Amazon pourrait décider de ne même pas attendre votre décision et de vous l’expédier (avec droit de retour bien entendu). Ça vous évitera de le commander ailleurs, ou d’hésiter dans votre décision (c’est déjà dans vos mains) - un nouveau modèle d’affaires! 

     

     

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