• Dans son livre Michael Mauboussin d’Harvard discute de comment nous pouvons être victime de certaines routines mentales simplifiées qui nous empêchent de faire face aux réalités complexes inhérentes à plusieurs jugements de valeur.  

    On ne se lève pas le matin en se disant ‘je vais prendre de mauvaises décisions aujourd’hui ». Et pourtant on le fait tous, même les gens qui sont objectivement très intelligents.

    Pourquoi? 

    La flexibilité mentale, l’introspection et la capacité à bien calibrer l’évidence sont au cœur de la pensée rationnelle et pourtant absents des tests de QI. Même les gens intelligents prennent de mauvaises décisions parce qu’ils ont le même câblage cérébral que tout le monde. Le problème est qu’on ne consacre pas assez de temps à apprendre de nos propres décisions et de nos processus pour les prendre. « Le décideur typique n’alloue que 25% de son temps à penser à son problème et à apprendre de son expérience décisionnelle. » La plus grande partie du temps est consacré à colliger de l’information, ce qui est perçu comme du progrès et de la diligence.

    Daniel Kahneman (dans son livre Thinking, Fast ans Slow) fait remarquer que « L’état normal de votre cerveau est que vous avez des sentiments et des opinions intuitives sur tout ce que vous rencontrez. »  Vous aimez, ou pas, les gens bien avant de les connaitre; vous sentez qu’une entreprise aura du succès, bien avant de l’analyser, etc.

    Une bonne compréhension du contexte d’un problème nécessite d’en prendre une vue la plus large possible, d’un point de vue extérieur autant qu’intérieur. Or, en réalité, typiquement, on n’essaie pas tant de bien contextualiser un problème que de satisfaire nos intuitions préexistantes.

    Ego et aveuglement

    En d’autres mots nous privilégions toujours notre point de vue intérieur à un point de vue extérieur.

    La vue intérieure se consacre sur une tache en utilisant l’information proche et  disponible puis fait une prédiction basée sur cet ensemble étroit et unique d’intrants, lesquels peuvent inclure de simples anecdotes et de fausses perceptions.

    Un point de vue extérieur cherche plutôt à trouver des situations similaires qui peuvent fournir une base statistique valide pour prendre la décision. Qu’est-ce que d’autres ont fait et avec quel résultat? Ça ne vient pas naturellement, justement parce que cela nous force à mettre de côté l’information que l’on possède déjà.

    Quand notre vue intérieure est plus positive que celle extérieure, on se dit en fait (probablement implicitement) que cette fois-ci quelque chose sera différent. Notre cerveau est trop content de nous aider à bâtir  cet argument. Premièrement (selon Mauboussin) parce que non seulement sommes –nous des optimistes par nature, mais nous succombons facilement à « l’illusion d’optimisme » (notre futur nous semble plus prometteur que celui des autres); finalement nous sommes aussi victimes de « l’illusion de contrôle’ » (nous sur-estimons notre degré de contrôle sur les événements, même ceux aléatoires).

    Pourtant la recherche démontre que lorsqu’on force les gens à examiner des situations semblables et leurs fréquences de succès, ils se montrent capables de faire de meilleures prédictions.

    En somme c’est largement une question d’ego: je suis meilleur que les autres pour faire face à cette situation et j’utilise ces rationalisations pour expliquer pourquoi ça sera différent cette fois-ci.

    Incorporer la vue extérieure

    Ça se fait en quatre étapes simples:

    1. Sélectionner un classe de référence. Trouvez un groupe de situations, suffisamment large pour être statistiquement significatif et suffisamment petit pour être utilement analysable.

    2. Évaluer la distribution des résultats. Examinez les taux de succès et d’échec. Notez la distribution, le résultat moyen, les résultats extrêmes, les plus communs. Le taux de succès doit être raisonnablement stable dans le temps pour être valide. Faites attention aussi aux situations où de petites fluctuations peuvent causer des impacts majeurs (par ex. le succès d’un livre ou d’un film qui dépend largement de facteurs d’influence sociale, un phénomène inhéremment imprévisible).

    3. Faire une prédiction. Avec ces données de référence et de distribution vous êtres en mesure de faire une prédiction raisonnable.

    4. Évaluer la fiabilité de la prédiction et l’ajuster. La fiabilité d’une prédiction dépend beaucoup de ce qu'on cherche à prédire (les météorologues sont très bons, les éditeurs de livres beaucoup moins). Moins l’historique de prédiction est bon et plus on doit ajuster vers la moyenne (ou toute autre mesure pertinente). Plus la relation cause-effet est claire et meilleure sera la prédiction.

    En somme, ce qu’il faut retenir c’est que nous tendons à nous concentrer sur ce qui est différent dans chaque situation, alors que les meilleurs décisions se concentrent plutôt sur exactement l’opposé, i.e. sur ce qui est semblable.

    Les détails peuvent varier mais, à moins que ces détails ne soient ce qui gouverne spécifiquement le résultat, le patron de résultats demeurera le même.

     

     

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  • Nos stéréotypes nous aident à catégoriser et à comprendre le monde qui nous entoure; mais ils peuvent aussi biaiser, négativement, nos décisions. Pouvons-nous nous guérir de nos biais? 

    Rôle des biais

    Selon une étude sur les stéréotypes de l’Université Harvard les humains ont appris à tout ’catégoriser’ pour faire face au bombardement d’informations qui nous assaille à tous les jours. Cela nous permet de saisir rapidement les différences significatives entre certains groupes (serpent = dangereux; ver de terre = inoffensif) et de mettre le reste de côté. Le stéréotypage est donc une sorte ‘raccourci mental’ qui libère nos ressources cognitives pour les choses importantes. De fait cette capacité s’est avérée essentielle pour la race humaine, nous aidant à éviter les situations dangereuses. Selon le professeur de psychologie Mahzarin Banaii de l’université Yale: « Notre habilité à catégoriser et évaluer est une partie importante de l’intelligence humaine, sans laquelle nous ne pourrions survivre ».

    Les dangers

    Est-ce un processus efficace? Peut-être! Sûrement quand on décide si, oui ou non, on va taquiner ce serpent dans notre jardin. Mais nos stéréotypes peuvent aussi être inexacts, de façon persistante. Selon John Bargh du New York University, la recherche a démontré que nous sommes prédisposés à nous concentrer sur les différences qui confirment nos stéréotypes préexistants, ce qui nous entraine dans un cycle où l’on ne reconnait que ce que l’on pense déjà vrai et où on ignore tout le reste (ce que le psychologue Peter Wason a appelé le ‘bais de confirmation’).

    Nonobstant toute considération morale et sociale, les biais créent une barrière pour toute entreprise qui veut innover. Non seulement cela présente en problème en termes de capacité à penser différemment, créativement, ‘hors de la boite », mais aussi en termes discrimination. Le résulta peut être un environnement peu ouvert aux idées alternatives, où les idées innovatives ne sont pas entendues.

    Prévenir plutôt que guérir

    Plusieurs organisations se sont tournées vers des programmes de sensibilisation à la diversitéj pour contrer ce problème, mais cela s’est avéré peu efficace. Selon Iris Bohnet, directrice du Harvard Kennedy School’s Women and Public Policy Program: « Pour que leurs croyances changent il faut d’abord que les expériences des gens changent ».Plutôt que des séminaires elle propose plutôt aux entreprises de “redesigner leurs processus de façon à éviter les biais à la source ».

    Mais comment saper cette mauvais habitude? On ne peut pas s’empêcher d’avoir des biais; cela fait partie intégrale du câblage cérébral humain. La réponse ne consiste donc pas à essayer de les éliminer, mais plutôt à changer nos processus de collaboration et de communication afin de prévenir leur apparition.

    Plusieurs moyens simples sont possibles:

     · impliquer des gens avec des expériences différentes;

    · demander des alternatives différentes (même mettre des groupes en compétition à cet égard);

    · créer une ambiance où l’expression de divergences et les désaccords sont acceptés, où la présence de biais est reconnue;

    · s’assurer que les objectifs et les critères de décision sont reconnus et partagés;

    · favoriser les processus basés sur les faits et l’analyse rationnelle et non émotionnelle;

    · éviter le biais d’ancrage (en introduisant des données numériques trop tôt;

    · utiliser un ‘avocat du diable’ pour challenger un consensus trop vite atteint, etc.

    La technologie peut aussi aider. Des applications permettent par exemple de faire des choix de candidats à l’aveugle, i.e. en ne rendant évident que le talent et en gardant anonymes les données sur l’âge, le sexe, le statut socio-économique, etc.  (certains orchestres symphoniques utilisent cette approche déjà).

    En neutralisant nos biais on peut briser le lien entre nos réactions purement instinctives et nos actions et, ainsi, libérer des talents latents. Un tel changement fondamental dans le fonctionnement de nos entreprises leur permettrait d’accéder à des processus décisionnels plus profonds et multi-dimensionnels et de tirer les pleins bénéfices de la diversité.

     BONNE SAISON DES FÊTES!

     

     

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  • Le cerveau: un organe social

    Nous savons aujourd’hui que le cerveau émet deux réponses fondamentales: le renforcement et l’évitement. L’évitement consiste à fuir ce qui peut constituer une menace, réelle ou perçue, alors que le renforcement consiste à maximiser le sentiment de récompense. Cela s’applique non seulement en situation de survie, mais aussi, plus subtilement, lors d’interactions entre les personnes, que ce soit dans les relations de couples, familiales ou de travail.

    Nous réagissons soit en mode défensif (ou fuite), soit en mode ouverture à la collaboration et au rapprochement. Et cela provoque une activité accrue au niveau des circuits neurologiques du cerveau; la capacité émotionnelle et cognitive et même la mémoire en sont affectées. Par exemple, quand quelqu’un se sent exclus (d’un groupe, dune activité) un examen par imagerie de résonance magnétique détecte de l’activité dans la partie dorsale du cortex cingulaire antérieur, une région du cerveau associée à la composante ’souffrante’ de la douleur. Le sentiment d’exclusion produit donc le même type de réaction dans le cerveau que le fait une douleur physique.

    L’hypothèse de Matthew Lieberman, à UCLA, est que les humains ont évolué ce lien entre connectivité sociale et inconfort physique parce que, pour un mammifère, être socialement connecté à des proches qui prennent soin de lui était nécessaire à sa survie. Le cerveau humain est un organe social et ses réactions physiologiques et neurologiques sont directement et profondément conditionnées par les interactions sociales. Quand on fait face à quelque chose d’inattendu (un ombre menaçante perçue du coin de l’œil, ou l’apparition d’un nouveau collègue dans le bureau adjacent) le système limbique (la partie primitive du cerveau) est excitée. Le neuroscientifique Evian Gordon appelle cela la réponse « minimiser danger/ maximiser récompense », le principe organisationnel fondamental du cerveau, selon lui.

    Contrairement à Maslow qui plaçait le besoin de survie au bas de sa pyramide, et celui de socialisation au milieu, les études récentes montrent que le cerveau humain associe survie et socialisation. Avoir faim et être ostracisé activent les mêmes réponses neurologiques.  

    Cinq facteurs en jeu

    Le modèle SCARF élaboré par David Rock, identifie 5 besoins fondamentaux qui seraient les modulateurs de ces deux types de réponses neurologiques. L’importance de ceci pour un leader est que lorsqu’on arrive à combler ces besoins, on assiste à un haut niveau de confiance et de collaboration (on minimise la réponse de fuite et on habilite la réponse de récompense). À l’inverse, lorsqu’on les menace, apparaît alors le mode défensif, celui de survie et d’évitement.

    (S)tatut: quand quelqu’un se rend compte qu’il se compare désavantageusement à quelqu’un d’autre on observe une réaction de menace, avec libération de cortisol et d’autres hormones liées au stress. Un statut élevé a été corrélé à une plus grande longévité et à une meilleure santé. Nous sommes biologiquement programmé pour nous préoccuper de notre statut parce que cela favorise notre survie. À éviter donc les évaluations comparatives et les critiques trop répétées.

    (C)ertitude: Quand un individu fait face à une situation familière son cerveau conserve son énergie en passant en mode pilote automatique: il se fie à des connections neurales implantées de longue date dans son cortex, lesquelles préprogramment sa réponse. Cela lui simplifie la tâche et lui permet même de faire deux choses en même temps. Mais dès que le cerveau enregistre de l’ambiguïté, ou de la confusion, un signal d’erreur se déclenche. Ne pas savoir ce qui s’en vient peut être profondément débilitant parce que cela requiert beaucoup d’énergie neurale additionnelle. À privilégier donc: communication, gestion du changement, décision participative.

     

    (A)utonomie: Les études de Steven Maier à l’Université de Boulder montrent que le degré de contrôle disponible à un animal confronté par une situation stressante détermine si cela sapera ou non son habilité à fonctionner. De la même façon, dans une organisation, aussi longtemps que les gens sentent qu’ils peuvent exécuter leurs propres décisions, sans trop de supervision, le stress demeure à un niveau contrôlable. Parce que le cerveau humain a évolué en réponse au stress pendant des milliers d’années, il est constamment sensible, à un niveau généralement subconscient, aux diverses façons dont des interactions sociales menacent ou supportent sa capacité de choisir. Une perception d’autonomie réduite (par exemple par un patron qui fait de la micro-gestion) peut facilement déclencher une réponse de menace.

    (R)elation: une collaboration fructueuse dépend d’une bonne relation, ce qui requiert confiance et empathie. Or, dans le cerveau, la capacité à ressentir confiance et empathie envers les autres est façonnée par la perception de leur appartenance à un groupe social commun. À chaque nouvelle rencontre le cerveau fait automatiquement une détermination « ami ou ennemi » qui colore l’interaction à venir. Lorsqu’une nouvelle personne est perçue comme différente, l’information circule via des sentiers neuraux associés au sentiment d’inconfort (sentiers différents de ceux déclenchés par ceux qui nous apparaissent semblables à nous).

    Quand une connexion sociale forte est établie avec quelqu’un le cerveau sécrète de l’ocytocine; cette hormone a été reliée à l’affection, au comportement maternel, à l’excitation sexuelle et à la générosité. Elle désarme la réponse de menace et active encore plus les réseaux neuraux qui nous permettent d’identifier quelqu’un comme étant « juste comme nous ». À l’inverse la réponse de menace est élicitée quand quelqu’un se sent coupé d’une interaction sociale. La solitude et l’isolation sont profondément stressants.

    (F)ranc-jeu: La perception d’injustice (unfairness) dans une situation génère une réponse intense dans le système limbique, remuant hostilité et minant la confiance. Tout comme pour le statut, les gens perçoivent l’équité en termes relatifs et se sentent plus satisfaits dans un échange juste, qui offre une récompense minime, que dans un échange injuste dans lequel la récompense est substantielle. Des études conduites par Matthew Lieberman et  Golnaz Tabibnia ont trouvé que les gens répondent plus positivement à recevoir 50ȼ dans le partage de 1$ avec une autre personne, plutôt que de recevoir 8$ dans le partage de 25$. Une autre étude a montré que l’expérience de l’équité produit dans le cerveau une réponse de récompense similaire à celle résultant de la consommation de chocolat.

    Dans les organisations, la perception d’injustice crée un environnement dans lequel la confiance et la collaboration ne peuvent prospérer. Et tout comme pour la certitude, la justice bénéficie de la transparence.

    Le SCARF à l’œuvre

    Si vous êtes un leader chaque action que vous faites et chaque décision que vous prenez soit supporte, soit sape les niveaux perçus de statut, de certitude, d’autonomie, de relation et d’équité dans votre entreprise.

    Commencez par réduit les menaces inhérentes à votre compagnie. Tout comme le cerveau animal est câblé pour répondre d’abord à la menace d’un prédateur, avant de pouvoir se concentrer sur la recherche de nourriture, le cerveau social humain répond d’abord à ce qui menace ses préoccupations clés, avant de passer à d’autres fonctions.

    La menace domine toujours la récompense parce que la réponse à la menace est forte, immédiate et impossible à ignorer. Une fois provoquée, elle est difficile à déplacer - ce qui explique pourquoi une rencontre déplaisante dans le trafic matinal peut distraire votre attention et affecter votre performance toute la journée. L’humain ne peut penser de façon créative, travailler efficacement, ni prendre de décisions éclairées quand son mode réponse aux menaces est en haute alerte.

    Toute personne qui se sent appréciée à sa juste valeur, qui sait ce qu’on attend d’elle, qui est autonome dans son travail, qui évolue dans un environnement sain basé sur le respect, la confiance et l’équité, performera de façon supérieure, tout simplement parce que son cerveau consacrera l’essentiel de ses ressources et de son énergie à créer, à trouver des solutions, à se développer ...en d’autres termes, à tout faire pour activer ses circuits de la récompense.

     Joyeuses Fêtes!

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  • On estime que les dirigeants d’entreprises prennent des milliards de décision à tous les ans ...et que la plupart d’entre elles pourraient être meilleures.

    Un enjeu réel

    Les enjeux d’une mauvaise décision ne sont que trop réels car elles sont le plus puissant outil à la disposition des gestionnaires pour leur permettre de réaliser des choses.

    Établir des objectifs (un autre outil du gestionnaire) ne comprend que des aspirations; ce sont les décisions qui conduisent l’action. Et en général les gens font ce qu’ils décident de faire. Heureusement il y a des façons simples de prendre de meilleures décisions, avec consistance, à l’aide des pratiques et technologies de l’économie comportementale.

    Une étude récente démontre que les gestionnaires qui utilisent les meilleures pratiques décisionnelles obtiennent les résultats visés 90% du temps, et 40% les dépassent (par comparaison les meilleures pratiques d’établissement des objectifs n’aident les décideurs à atteindre les résultats voulus que 30% du temps). D’autres études démontrent que des pratiques décisionnelles efficaces augmentent le nombre de bonnes décisions par un facteur de 6 et réduisent les échecs de près de la moitié.

    Bien que le potentiel d’utilisation des meilleures pratiques décisionnelles soit grand, plusieurs organisations ne l’utilise pas. Une étude de 500 exécutifs montre que seulement 2% d’entre eux utilisent les meilleures pratiques en la matière et peu d’entreprises ont en place des systèmes de mesure et d’amélioration des décisions.

    Les causes

    Pour combler cet écart entre pratique et meilleure pratique il faut savoir pourquoi il existe.

    Une cause est historique. Pendant longtemps la prise de décision en affaires a été perçue plus comme un art qu’une science. Cela, en partie, parce les décideurs avaient accès à relativement peu d’information précise. Peu d’outils de décision étaient utilisés; la liste des pour et contre, popularisée par Benjamin Franklin est probablement la plus commune et elle a 250 ans. Et, malheureusement, la science économique du 20e siècle était basée sur la théorie que les gens prennent toujours une décision parfaitement rationnelle lorsque fournis avec de la bonne information, une théorie qui s’est avérée au mieux imparfaite, sinon complètement fausse, telle que l’a démontré la révolution de l’économie comportementale développée par le prix Nobel Daniel Kahneman.

    Ce qui nous amène à la deuxième cause: la psychologie. La réalité est que nous sommes prévisiblement irrationnels. Les économistes comportementaux ont mis à jour une gamme de raccourcis mentaux et de biais cognitifs qui déforment nos perceptions et nous font ignorer de meilleurs choix.

    La plupart des décisions d’affaires se font collaborativement et la rechercher de consensus aggrave nos biais individuels. De plus, la plupart des décisions d’affaires se faisant avec le stress d’une grande incertitude nous avons souvent recours à notre instinct et à nos intuitions pour réduire notre inconfort mental. Décider est un travail demandant; il y a une forte impulsion émotionnelle à juste le faire et passer à autre chose.

    Une dernière cause est la technologie. Les logiciels d’entreprise ont numérisé de nombreuses tâches de gestion au cours des 40 dernières années. Ce virage a posé les fondations d’une meilleure prise de décision, mais le processus n’est pas fini. L’économie comportementale montre que fournir plus d’informations complexes et ambiguës n’aide que très peu les gestionnaires et leurs équipes à relever les principaux défis auxquels ils font face afin de prendre de meilleures décisions. Par conséquent les entreprises ne peuvent drastiquement améliorer leur processus de décisions simplement en implantant de grands logiciels comme SAP, Oracle, Salesforce, etc.

    Alor, que faire? 

    Une approche en sept points

    Au cours de centaines d’expériences conduites auprès de dizaines de milliers de décideurs il a été démontré que la meilleure approche de prise de décision peut se résumer à une simple liste en sept points. Toutefois il est important de se rappeler que de comprendre les items sur cette liste ne suffit pas; il faut l’utiliser ,car nos biais ne disparaitront pas juste parce qu’on sait qu’ils existent. Donc, chaque fois qu’une décision doit être prise, suivez ces étapes afin de contrecarrer vos biais naturels:

    1. Couchez sur papier cinq objectifs ou priorités déjà établis qui seront affectés par la décision. Se concentrer sur ce qui est important aidera à éviter le biais de rationalisation ou d’inventer des raisons pour justifier le choix après coup . 

    2. Écrivez au moins trois, idéalement quatre, ou plus, autres alternatives réalistes. Cela peut demander un peu d’effort et de créativité, mais aucune autre pratique n’a de plus grand potentiel d‘amélioration que d’étendre vos choix possibles. 

    3. Décrivez quelle information la plus importante vous manque. Nous courons le risque d’ignorer ce que nous ne connaissons pas parce que nous sommes distraits par ce que nous savons, en particulier dans le monde riche en information d’aujourd'hui. 

    4. Documentez l’impact que votre décision aura dans un an. Raconter une courte histoire sur le résultat attendu de la décision vous aidera à identifier des scénarios similaires qui pourraient vous fournir une perspective utile. 

    5. Mettez à contribution une équipe d’au moins deux, au plus six, parties prenantes. Obtenir plus de points de vue réduira vos biais et réduira la résistance au changement; mais plus le groupe est grand et plus le rendement décroit. 

    6. Documentez ce qui a été décidé, ainsi que comment et pourquoi le groupe supporte cette décision. Cela cimente l’engagement et établit une base de mesure des résultats. 

    7. Programmez un suivi dans un mois ou deux. On oublie souvent de le faire, surtout quand ça tourne mal et on manque une opportunité de faire des corrections et d’apprendre. 

    Certaines recherches montrent que les décideurs qui suivent régulièrement ces sept règles sauvent des dizaines d’heures de discussion, prennent leurs décisions des dizaines de jours plus tôt et améliorent leurs résultats de 20%.

    Voilà donc une recette simple de performance décisionnelle. Elle est plus réaliste que la théorie classique de la rationalité parfaite et reconnaissante du fait que notre psychologie nous conduit parfois dans le mauvais chemin. Un outil à la fois simple et convivial, aux impacts potentiellement énormes.

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    BON AUTOMNE...ET PRENEZ DE BONNES

    DÉCISIONS 

     

     

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  • Pourquoi prenons-nous de mauvaises  décisions?

    Il nous arrive tous de prendre une mauvaise décision; ce qui soulève la question: « Qu’est-ce qui conduit  des personnes, bien intentionnées au départ, à prendre une mauvaise décision? » Quelques possibilités évidentes nous viennent en tête:

    · Nous prenons souvent des décisions en sévère pression de temps.

    · Nous le faisons souvent en absence d’information complète ou fiable.

    · C’est la faute à quelqu’un d’autre (quand on explique notre échec au patron).

    Dans un effort pour comprendre les racines du problème, une firme de consultants en leadership a conduit une étude des évaluations 360o  de 50 000 leaders, afin de comparer les comportements de ceux perçus comme prenant des bonnes décisions de ceux en prenant des pauvres. Ils ont ensuite réalisé une analyse factorielle de ces comportements, pour identifier ceux qui faisaient le plus de différence statistique entre les bons et les mauvais décideurs. Neuf facteurs principaux en ont émergé.

     

    Neuf facteurs

    1. Paresse: elle se manifeste de différentes façons: négliger de vérifier les faits, de prendre l’initiative, de confirmer les hypothèses a priori, d’aller chercher des avis additionnels, etc. De telles personnes ne veulent pas en faire plus qu’il faut et se contentent de leurs expériences passées, présumant que les résultats futurs sont de simples extrapolations du passé.

    2. Manque d’anticipation de l’inattendu: comme il est décourageant de constamment considérer la possibilité d’événements négatifs dans notre vie, la plupart d’entre nous présumons que le pire ne se produira pas. Malheureusement de mauvaises choses se produisent assez souvent (mort, divorce, accidents, crashs boursiers, amis qui nous déçoivent, etc.). Pourtant de nombreuses recherches montrent que, lorsqu’on prend le temps de le faire, nous sommes assez bons à anticiper les problèmes. Mais comme nous sommes toujours excités par la décision que nous venons de prendre, nous ne prenons souvent pas ce temps.

    3. Indécision: Face à une décision complexe, qui sera basée sur des données fluides et floues, il est facile de continuer à étudier le problème, à demander un autre rapport, à faire une analyse de plus. Même quand tout cela prend plus de temps que prévu les mauvais décideurs continuent à procrastiner et l’opportunité passe.  Cela prend du courage pour agir décisivement et l’absence de décision peut être pire qu’une mauvaise décision. Paralysés par la peur des conséquences, certains préfèrent éviter tout risque.

    4. Esclave du passé: certains prennent de mauvaises décisions tout simplement parce qu’ils utilisent la même vieille information, ou les mêmes vieux processus qu’ils ont toujours utilisés. On s’habitue à ce qui nous a réussi par le passé et on oublie de chercher ce qui pourrait mieux fonctionner. « Better the devil you know » comme disent les anglais. Mais il arrive souvent que nos approches traditionnelles soient basées sur des hypothèses qui ne sont plus valides.

     5. Absence d’alignement stratégique: de mauvaises décisions résultent parfois du fait qu’on a échoué à connecter le problème à une stratégie d’ensemble. Sans stratégie pour fournir un contexte à la décision, plusieurs solutions peuvent apparaitre attrayantes. Avec une stratégie claire, la meilleure solution apparait rapidement.

    6. Dépendance: certains décisions ne sont jamais prises parce que quelqu’un attend après une décision ou un input de quelqu’un d’autre d’abord. Les bons déciseurs trouvent toujours une façon d’agir indépendamment, au besoin.

    7. Isolement: certains décideurs sont en attente d’information ou d’input parce qu’ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour l’obtenir à temps, ou parce qu’ils n’ont pas établi les relations qui leur permettraient de bénéficier de l’expertise d’autrui lorsqu’ils en ont besoin. Plusieurs recherchent indiquent que l’implication d’autres personnes, qui ont de l’information pertinente, de l’expérience ou de l’expertise, améliore la qualité des décisions que l’on prend. Rien de neuf ici; alors pourquoi certains ne le font-ils pas? Parfois les gens n’ont pas les habilités de réseautage requises pour accéder à la bonne information. Dans d’autres cas ils ne le font pas parce qu’ils veulent garder le plein crédit de la décision. Malheureusement pour eux ils gardent aussi le plein blâme quant ça tourne mal.

    8. Manque de profondeur technique: les organisations d’aujourd'hui sont complexes et même les meilleurs décideurs n’ont pas assez de profondeur pour tout comprendre d’un problème à facettes multiples. Mais si on se fie aux connaissances et à l’expertise d’autres personnes, sans avoir une perspective propre, il est difficile d’intégrer toute l’information reçue pour décider. Et, en l’absence d’une connaissance et d’une expertise de base, on ne peut faire la différence entre une recommandation brillante et une terrible. Les meilleurs décideurs ont de l’expertise technique et savent ou trouver le talent pour les aider.

    9. Mauvaise communication: de bonnes décisions peuvent devenir mauvaises parce que les gens affectés ne les comprennent pas, ou même n’en sont pas au courant. Communiquer le rationnel d’une décision et ses implications est essentiel à son implantation réussie.

    Attendre des avis ou de l’information peut-être trop longtemps, ne pas obtenir la bonne information à temps, ne pas bien l’interpréter par manque de connaissances, ne pas voir que ce qui a fonctionné par le passé peut ne pas fonctionner cette fois-ci, prendre une décision même sans avoir toute l’information ou attendre pour plus d’input...ouf, il n’est pas surprenant que nous prenions parfois de mauvaises décisions. La bonne voie est étroite...et pas toujours en ligne droite.

    En prenant soin de se rappeler les neuf points ci-dessus, on devrait pouvoir éviter le pire.

     

     

     

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