• Le conseil en rupture technologique?

     

    Innovation de rupture

     

    Le terme de “technologie de rupture” (disruptive technology) a été introduit en 1997, par Clayton M. Christensen dans son livre The Innovator's Dilemma. Par la suite il utilisera le terme plus générique “d’innovation de rupture”, considérant que peu de technologies sont intrinsèquement de rupture ou de continuité; ce n’est pas tant la technologie elle-même, que son utilisation stratégique, qui a un effet de rupture.

     

    Par opposition, les technologies de continuité, ou d’amélioration continue, ne créent pas de nouveaux marchés : elle procèdent par améliorations et incréments graduels successifs des performances de la technologie actuelle. Les technologies de continuité peuvent être discontinues (transformationnelles) ou continues (évolutives). Par exemple l'automobile était, en premier, une technologie de transport transformationnelle et non pas une technologie de rupture, car les automobiles des débuts étaient des produits de luxes très chers, qui ne remplaçaient pas les véhicules tractés par des chevaux. Jusqu'à l'apparition en 1908 de la Ford T, une voiture à bas prix, produite en masse qui, elle, a été une technologie de rupture, car elle a réellement transformé le marché et les modes de transport. On peut penser à plein d’autres exemples de technologies de rupture (voir le tableau).

    Le conseil en rupture technologique?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Une longue immunité

    Le modèle d’affaires de la consultation, en particulier en management, n’a guère changé depuis cent ans. Il consiste toujours à envoyer, dans des organisations clientes, des ressources futées, venant de l’extérieur de celle-ci,  pour une période de temps limitée, afin de trouver des réponses à leur problèmes les plus difficiles. Plusieurs consultants s’esclaffent de rire à la suggestion que ce  modèle puisse un jour être “rupturé”; les clients feront toujours face à de nouveaux défis, après tout. Deux facteurs ont historiquement immunisé le secteur contre la rupture de son modèle d’affaires: son opacité et son agilité.

    Le conseil est une industrie largement « opaque » où les solutions (les recommandations) sont créées dans une boîte noire (l’équipe de consultants en circuit fermé). En plus, il est très difficile pour le client d’évaluer en amont la performance probable d’une firme, puisque, généralement, il engage une firme pour des expertises et des compétences qu’il ne possède pas. Et ce n’est pas mieux en aval, puisque de très nombreux facteurs externes (qualité d’implantation, changement de direction, passage du temps, etc.) influenceront les conséquences des recommandations du consultant. Un mécanisme critique de rupture est donc désamorcé. Les clients doivent se rabattre sur des facteurs substituts, tels que la réputation, la marque, la formation académique, l’éloquence et le comportement — ce qui donne toujours un avantage aux firmes en place. Même le taux horaire devient une procuration, qui supporte les fortes primes chargées par les plus grandes firmes. Selon Christensen, dans les secteurs opaques les nouveaux concurrents tendent à émuler les firmes en place plutôt qu’à introduire des approches de rupture.

    L’agilité des grandes firmes, quant à elle, se manifeste dans leur habilité, maintes fois démontrée, à passer en douceur d’une ”grande idée” à une autre, ce qui leur permet de faire face de façon flexible à toutes menaces de rupture.  Pensons à la rapidité avec laquelle McKinsey et d’autres firmes ont répondu lorsque BCG a vu sa réputation croitre avec sa fameuse matrice stratégique. De plus le principal actif étant le capital humain et les investissements fixes étant minimaux, les firmes peuvent changer rapidement.

    Mais ces deux avantages pourraient bientôt disparaitre.

    La démocratisation du savoir

    La transformation en cours du secteur conseil n’est pas une première. Les firmes de conseils légaux ont déjà commencé à la vivre (voir l’article en référence) et ils ont été largement surpris par la vitesse du changement. Par exemple, une enquête de 2009, auprès des associés directeurs et présidents de conseil de grandes firmes de droit américaines, relevait que seulement 42% d’entre eux entrevoyait une concurrence accrue sur les prix dans le futur; en 2012 ce nombre avait grimpé à 92%.

    Kennedy Research estime le taux de rotation, dans les grandes firmes de conseil, à 18-20% par année. Plusieurs entreprises clientes engagent aujourd’hui d’anciens consultants, ce qui contribue à leur sophistication accrue comme acheteurs de services conseil. Typiquement ils deviennent des donneurs d’ordre plus exigeants, qui tendent à réduire l’envergure des mandats (et leur coût), à être plus actifs dans la sélection et la gestion des ressources assignées à ces mandats, et à faire plus de travaux eux-mêmes à l’interne.   

    Cette sophistication accrue conduit aussi les clients à désagréger les mandats, réduisant leur dépendance envers les fournisseurs de « solutions intégrées ». La dynamique concurrentielle se déplace, de ces firmes intégrées, vers des fournisseurs d’offres modulaires spécialisés. Un déplacement qui se produit lorsque des clients réalisent qu’ils paient trop pour des éléments qui ont peu de valeur pour eux et qu’ils veulent plus de contrôle.

    En parallèle on voit aussi apparaitre des firmes alternatives de services professionnels, comme Eden McCallum et Business Talent Group (BTG) aux États-Unis. Ces firmes assemblent des équipes « lean » de consultants indépendants (souvent des gradués intermédiaires et seniors de grandes firmes), et ce, pour une fraction du coût des firmes traditionnelles (parce qu’elles ne supportent pas les coûts de temps non facturable, les loyers de centre-ville, la formation, etc.). Ils utilisent des approches et méthodologies éprouvées, répandues et publiques, plutôt que de développer des approches propriétaires. Les équipes comprennent souvent du personnel plus senior et la gestion du mandat est largement faite par le client.

    Une autre tendance est l’apparition du « asset-based consulting,”; McKinsey Solutions en est un exemple. Cette tendance comprend le packaging d’idées, de processus, de cadres d’analyse et d’autres propriétés intellectuelles optimisées pour une livraison optimale par des moyens numériques. Le degré d’intervention humaine et de personnalisation varie, mais est généralement moindre que dans un mandat traditionnel; le coût est donc moindre et plus étalé dans le temps, via un frais de souscription, ou un frais de licence.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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