• Réussir...par la bande

    Le meilleur chemin: la ligne droite? 

    Quelle direction doit prendre un navire qui veut passer de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique? Vers l’ouest bien sûr, affirmons nous tous immédiatement. Mais si vous regardez une carte vous verrez, qu’en fait, en passant par le canal de Panama, vous naviguerez vers l’est!

    Réussir...par la bande

    C’est l’essence même du concept d’obliquité: si vous voulez allez dans une direction, le meilleur chemin consiste peut-être à aller dans une autre. Aussi paradoxal que cela paraisse, plusieurs buts se réalisent mieux quand on les poursuit de façon indirecte. Que ce soit pour contourner un obstacle géographique, gagner une bataille décisive, ou atteindre un objectif de vente, l’histoire nous enseigne que l’approche oblique connaît plus de succès, surtout lorsque les conditions sont difficiles. 

    Ce concept d’obliquité a été articulé par John Kay, l’un des économistes les plus réputés de Grande Bretagne.  Il se concentre sur les relations entre l’économie et le commerce, en particulier sur la valeur des approches d’affaires holistiques et  leur succès relatif, comparées aux approches de simple maximisation du profit. Kay cite d’ailleurs George Merck (fondateur de la célèbre pharmaceutique): "Nous essayons de ne jamais oublier que le but de la médicine est d’aider le monde. Pas de faire des profits. Les profits suivront et, si on n’oublie pas cela, ils ne manqueront pas. Le mieux on s’en est rappelé et le plus de profits il y a eu. ‘’

    L’obliquité

    L’obliquité est nécessaire parce que nous vivons dans un monde d’incertitude et de complexité; les problèmes que nous rencontrons ne sont pas toujours clairs et, parfois, même nos objectifs ne sont pas clairs. Le contexte change, les gens changent (en plus ils sont souvent difficiles à prédire) et les conséquences de nos choix dépendent de leur réponse; or les approches directes sont souvent sans imagination, pour ne pas dire arrogantes dans leur certitude simpliste.

    En ingénierie de systèmes, par exemple, l’obliquité est une théorie qui propose que la meilleure façon de réaliser un objectif, lorsque vous travaillez avec un système complexe, est de prendre une approche indirecte. Par exemple, si vous êtes à la tête d’un grand département de TI et que votre objectif est d’aider votre entreprise à être plus profitable, la meilleure approche à prendre est de penser holistiquement et de prendre en compte tant les besoins d’affaires que techniques. En vous concentrant sur la fourniture de services de qualité— plutôt que sur de simples indicateursde coûts unitaires et de ROI — vous aiderez les employés à être plus efficaces et productifs, ce qui, en retour, rendra l’entreprise plus profitable.

    Pourquoi? Parce qu’en fait l’obliquité a beaucoup en commun avec les principes de la théorie du chaos. Les deux partagent l’idée que, dans les systèmes complexes, les facteurs en jeu sont trop nombreux et leurs interrelations trop compliquées et confuses pour que nous puissions facilement les comprendre. Par conséquent, tout comme nous ne pouvons être sûrs que les prévisions de météo à long terme ne seront pas affectées par des influences imprévues, nous ne pouvons être sûrs que la poursuite déterminée du succès financier est ce qui nous conduira à l’atteinte de notre objectif.

    Selon cette théorie, les gens, dont la seule préoccupation est leur propre bonheur, sont rarement les individus les plus heureux et les compagnies qui cherchent principalement à maximiser leurs profits à tout prix, sont les moins susceptibles d’être celles qui connaissent le plus grand succès financier. 

    Kay trouve des manifestations de ce phénomène dans toutes les sphères de la vie courante. Les gens les plus riches, d’Andrew Carnegie à Bill Gates, ont réalisé leur fortune par le biais d’une passion pour leur travail et non pas en se donnant des objectifs matérialistes. La recherche démontre que les compagnies, dont le but (tel que déclaré dans leur énoncé de vision)  est l’excellence des produits ou des services, sont plus profitables que celles dont le but déclaré est l’accroissement des profits. Dans le domaine individuel, il existe un corps depreuve substantiel qui montre que la parentalité, sur une base quotidienne, génère plus de frustrations que de joies. Et pourtant les parents sont statistiquement plus heureux que les non parents. Bien que leur plaisir à court terme soit souvent contrecarré par le besoin d’éduquer leurs enfants, les subtiles récompenses obliques de la parentalité les rendent ultimement plus heureux.

    Les implications de l’obliquité

    L’une des implications les plus intéressantes de ce concept concerne la façon dont nous évaluons un processus de prise décision (par exemple lorsque nous jugeons la performance de nos élus, ou de ceux qui veulent les remplacer). Trop souvent nous faisons ce que Kay appelle "l’erreur téléologique": nous présumons que les bons et mauvais résultats sont nécessairement le résultat de bonnes ou mauvaises décisions. Nous oublions que la chance (ou la malchance) joue souvent un plus grand rôle que nous ne  le croyons. À la bourse les conseillers sont vus comme des génies quand tout va bien, mais comme des incompétents quand les choses tournent mal. La chance pourtant, autant que le talent, est en jeu.

    Une conséquence alarmante de cette erreur est que les gens qui prétendent avoir des réponses directes sont beaucoup plus à même d’être acclamés pour leur ‘sagesse’, que les penseurs obliques qui sont pourtant le plus à même d’obtenir de meilleurs résultats. Kay indique que les décideurs peuvent donc choisir entre être efficaces ou être populaires (en politique les voteurs choisiraient donc ceux qui ont le moins de chance d’être de bons solutionneurs de problèmes).

    Les approches directes:

    » Nous rendent peu réceptifs aux nouvelles informations qui contredisent nos présomptions;

    » Nous amènent à confondre logique et vérité ;

    » Nous coupent de notre intuition (qui est l’expression subconsciente de notre expérience);

    » Nous éloignent de solutions alternatives qui pourraient être meilleures que celle que nous préférons a priori.

    Kay nous suggère donc de reconnaître nos limites, de redéfinir nos buts en lien avec nos habiletés, d’ouvrir nos esprits à de nouvelles données et solution et, de façon générale, de vivre notre vie obliquement.

     

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