• Le neuroleadership

    Le cerveau: un organe social

    Nous savons aujourd’hui que le cerveau émet deux réponses fondamentales: le renforcement et l’évitement. L’évitement consiste à fuir ce qui peut constituer une menace, réelle ou perçue, alors que le renforcement consiste à maximiser le sentiment de récompense. Cela s’applique non seulement en situation de survie, mais aussi, plus subtilement, lors d’interactions entre les personnes, que ce soit dans les relations de couples, familiales ou de travail.

    Nous réagissons soit en mode défensif (ou fuite), soit en mode ouverture à la collaboration et au rapprochement. Et cela provoque une activité accrue au niveau des circuits neurologiques du cerveau; la capacité émotionnelle et cognitive et même la mémoire en sont affectées. Par exemple, quand quelqu’un se sent exclus (d’un groupe, dune activité) un examen par imagerie de résonance magnétique détecte de l’activité dans la partie dorsale du cortex cingulaire antérieur, une région du cerveau associée à la composante ’souffrante’ de la douleur. Le sentiment d’exclusion produit donc le même type de réaction dans le cerveau que le fait une douleur physique.

    L’hypothèse de Matthew Lieberman, à UCLA, est que les humains ont évolué ce lien entre connectivité sociale et inconfort physique parce que, pour un mammifère, être socialement connecté à des proches qui prennent soin de lui était nécessaire à sa survie. Le cerveau humain est un organe social et ses réactions physiologiques et neurologiques sont directement et profondément conditionnées par les interactions sociales. Quand on fait face à quelque chose d’inattendu (un ombre menaçante perçue du coin de l’œil, ou l’apparition d’un nouveau collègue dans le bureau adjacent) le système limbique (la partie primitive du cerveau) est excitée. Le neuroscientifique Evian Gordon appelle cela la réponse « minimiser danger/ maximiser récompense », le principe organisationnel fondamental du cerveau, selon lui.

    Contrairement à Maslow qui plaçait le besoin de survie au bas de sa pyramide, et celui de socialisation au milieu, les études récentes montrent que le cerveau humain associe survie et socialisation. Avoir faim et être ostracisé activent les mêmes réponses neurologiques.  

    Cinq facteurs en jeu

    Le modèle SCARF élaboré par David Rock, identifie 5 besoins fondamentaux qui seraient les modulateurs de ces deux types de réponses neurologiques. L’importance de ceci pour un leader est que lorsqu’on arrive à combler ces besoins, on assiste à un haut niveau de confiance et de collaboration (on minimise la réponse de fuite et on habilite la réponse de récompense). À l’inverse, lorsqu’on les menace, apparaît alors le mode défensif, celui de survie et d’évitement.

    (S)tatut: quand quelqu’un se rend compte qu’il se compare désavantageusement à quelqu’un d’autre on observe une réaction de menace, avec libération de cortisol et d’autres hormones liées au stress. Un statut élevé a été corrélé à une plus grande longévité et à une meilleure santé. Nous sommes biologiquement programmé pour nous préoccuper de notre statut parce que cela favorise notre survie. À éviter donc les évaluations comparatives et les critiques trop répétées.

    (C)ertitude: Quand un individu fait face à une situation familière son cerveau conserve son énergie en passant en mode pilote automatique: il se fie à des connections neurales implantées de longue date dans son cortex, lesquelles préprogramment sa réponse. Cela lui simplifie la tâche et lui permet même de faire deux choses en même temps. Mais dès que le cerveau enregistre de l’ambiguïté, ou de la confusion, un signal d’erreur se déclenche. Ne pas savoir ce qui s’en vient peut être profondément débilitant parce que cela requiert beaucoup d’énergie neurale additionnelle. À privilégier donc: communication, gestion du changement, décision participative.

     

    (A)utonomie: Les études de Steven Maier à l’Université de Boulder montrent que le degré de contrôle disponible à un animal confronté par une situation stressante détermine si cela sapera ou non son habilité à fonctionner. De la même façon, dans une organisation, aussi longtemps que les gens sentent qu’ils peuvent exécuter leurs propres décisions, sans trop de supervision, le stress demeure à un niveau contrôlable. Parce que le cerveau humain a évolué en réponse au stress pendant des milliers d’années, il est constamment sensible, à un niveau généralement subconscient, aux diverses façons dont des interactions sociales menacent ou supportent sa capacité de choisir. Une perception d’autonomie réduite (par exemple par un patron qui fait de la micro-gestion) peut facilement déclencher une réponse de menace.

    (R)elation: une collaboration fructueuse dépend d’une bonne relation, ce qui requiert confiance et empathie. Or, dans le cerveau, la capacité à ressentir confiance et empathie envers les autres est façonnée par la perception de leur appartenance à un groupe social commun. À chaque nouvelle rencontre le cerveau fait automatiquement une détermination « ami ou ennemi » qui colore l’interaction à venir. Lorsqu’une nouvelle personne est perçue comme différente, l’information circule via des sentiers neuraux associés au sentiment d’inconfort (sentiers différents de ceux déclenchés par ceux qui nous apparaissent semblables à nous).

    Quand une connexion sociale forte est établie avec quelqu’un le cerveau sécrète de l’ocytocine; cette hormone a été reliée à l’affection, au comportement maternel, à l’excitation sexuelle et à la générosité. Elle désarme la réponse de menace et active encore plus les réseaux neuraux qui nous permettent d’identifier quelqu’un comme étant « juste comme nous ». À l’inverse la réponse de menace est élicitée quand quelqu’un se sent coupé d’une interaction sociale. La solitude et l’isolation sont profondément stressants.

    (F)ranc-jeu: La perception d’injustice (unfairness) dans une situation génère une réponse intense dans le système limbique, remuant hostilité et minant la confiance. Tout comme pour le statut, les gens perçoivent l’équité en termes relatifs et se sentent plus satisfaits dans un échange juste, qui offre une récompense minime, que dans un échange injuste dans lequel la récompense est substantielle. Des études conduites par Matthew Lieberman et  Golnaz Tabibnia ont trouvé que les gens répondent plus positivement à recevoir 50ȼ dans le partage de 1$ avec une autre personne, plutôt que de recevoir 8$ dans le partage de 25$. Une autre étude a montré que l’expérience de l’équité produit dans le cerveau une réponse de récompense similaire à celle résultant de la consommation de chocolat.

    Dans les organisations, la perception d’injustice crée un environnement dans lequel la confiance et la collaboration ne peuvent prospérer. Et tout comme pour la certitude, la justice bénéficie de la transparence.

    Le SCARF à l’œuvre

    Si vous êtes un leader chaque action que vous faites et chaque décision que vous prenez soit supporte, soit sape les niveaux perçus de statut, de certitude, d’autonomie, de relation et d’équité dans votre entreprise.

    Commencez par réduit les menaces inhérentes à votre compagnie. Tout comme le cerveau animal est câblé pour répondre d’abord à la menace d’un prédateur, avant de pouvoir se concentrer sur la recherche de nourriture, le cerveau social humain répond d’abord à ce qui menace ses préoccupations clés, avant de passer à d’autres fonctions.

    La menace domine toujours la récompense parce que la réponse à la menace est forte, immédiate et impossible à ignorer. Une fois provoquée, elle est difficile à déplacer - ce qui explique pourquoi une rencontre déplaisante dans le trafic matinal peut distraire votre attention et affecter votre performance toute la journée. L’humain ne peut penser de façon créative, travailler efficacement, ni prendre de décisions éclairées quand son mode réponse aux menaces est en haute alerte.

    Toute personne qui se sent appréciée à sa juste valeur, qui sait ce qu’on attend d’elle, qui est autonome dans son travail, qui évolue dans un environnement sain basé sur le respect, la confiance et l’équité, performera de façon supérieure, tout simplement parce que son cerveau consacrera l’essentiel de ses ressources et de son énergie à créer, à trouver des solutions, à se développer ...en d’autres termes, à tout faire pour activer ses circuits de la récompense.

     Joyeuses Fêtes!

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