• Prendre des décisions éclairées

    Dans une récente édition du journal Les Affaires, Bernard Mooney, commentant sur les livres Good to Great et Build to Last de Jim Collins, remarquait qu’à la lecture de livres du genre « on croit déceler des indicateurs fiables de performance exceptionnelle ».

    L’effet de halo

    Il cite cependant Phil Rosenzweif, professeur de stratégie et de gestion internationale de l’International Institute for Management Development à Lausanne, selon qui la plupart des études sur le monde des affaires souffrent de cet effet qui consiste essentiellement à confondre causes et effets.

    Si les ventes, les profits et le cours de l’action d’une entreprise montent en flèche on conclue que celle-ci, son président et sa stratégie sont brillants; si les résultats changent on conclura le contraire même si rien n’a fondamentalement changé. La performance crée une impression d’ensemble, un halo, qui dicte notre perception. Bombardier qui était un modèle pour les entrepreneurs québécois est devenu, en moins de deux ans, une entreprise vétuste et dépassée dans la perception populaire.

    Plusieurs études ont identifié divers autres pièges, à la fois communs et subtils, dans la prise de décision.

    L’ancrage

    Demandez à un groupe 1– si selon eux la population de la Turquie est supérieure à 35 millions et 2– quel est leur estimé de cette population. À un autre groupe posez les mêmes questions mais remplacez 35 millions par 100 millions. La réponse à la deuxième question sera plus élevée dans le 2e groupe. La première question (comme tout autre impression ou estimé initial) influence la réponse à la 2e. Le cerveau donne un poids disproportionné à l’information récente et vient « ancrer » les jugements postérieurs (un classique: prévoir l’an prochain à partir des données de l’année précédente). 

    Le statu quo

    Les preneurs de décision exhibent généralement un fort biais en faveur des alternatives qui favorisent le statu quo. Elles sont plus confortables et elles évitent de prendre action, donc de se tromper et d’être critiqué!

    L’investissement passé 

    On a aussi souvent tendance à choisir les alternatives qui justifient nos choix passés…même quand ceux-ci ne sont plus valides. Économiquement, les investissements passés n’ont aucune pertinence quant aux décisions à prendre aujourd’hui, c’est de l’argent « perdu » (sunk costs), mais nous sommes parfois incapables de reconnaître nos erreurs passées (certaines cultures corporatives renforcent ce biais, e.g. les banques).

    Les évidences conformes

    Nous tendons tous inconsciemment à décider à l’avance de ce qu’on va faire, avant même d’analyser pourquoi on veut le faire et nous nous enthousiasmons plus facilement pour les choses qu’on aime que pour celles qu’on aime pas.  On a donc tendance à rechercher l’information qui supporte notre instinct plutôt que 

     

     

    celle qui le contredit. Cela affecte le type d’information qu’on recherche et comment on l’analyse, ou encore le choix de nos conseillers.

    Le cadrage 

    Trois barges coulent; chacune contenait 200 K$ de cargaison vous appartenant. L’entreprise de récupération vous propose deux plans, au même prix: le plan A est sûr de sauver une barge, ou le plan B qui a une chance sur trois de sauver les trois barges et deux chances sur trois d’échouer complètement.

    Posez le même problème à un autre groupe mais offrez leur les deux plans suivants: le C qui est sûr de perdre deux barges sur trois, ou le D qui a deux chances sur trois de perdre toutes les barges, mais a une chance sur trois d’en sauver une.

    Vous aurez remarqué que les plans A et C sont identiques, de même que les plans B et D. Pour ceux d’entre vous qui se rappellent leurs notions de probabilités et statistiques, vous aurez vite conclu que le choix devrait être indifférent puisque toutes les options sont mathématiquement équivalentes (même gain espéré). Or 71% des premiers groupes ont choisi l’option A, alors que 80% des deuxièmes groupes ont choisi l’option D.

    La façon dont on énonce un problème, comment on le « cadre », influence profondément les choix que nous ferons. Le problème ci-haut est un exemple classique: des énoncés sous forme de gain vs des énoncés sous forme de perte. De façon générale les gens ont une aversion au risque en situation de gain, mais sont portés à prendre des risques en situation de perte. Une bonne pratique consiste donc à énoncer un problème selon plusieurs points de référence.

    L’estimation

    Nous ne sommes pas très bons à faire des estimés et des prévisions, mais nous exhibons, malgré tout, un excès de confiance envers la précision de ceux que nous faisons. En réalité nous sommes souvent soit exagérément confiants (e.g. la Bourse!), ou trop prudents (e.g. contingences élevées « au cas où », scénarios « pire cas »). D’autres fois notre jugement sera affecté par un événement dramatique ou traumatique récent (comme dans l’ancrage).

    Somme toute, comme vous pouvez le constater, bien que nous croyons être non biaisés et capables de prendre des décisions tout à fait éclairées, il est très facile de tomber dans ces pièges. Le premier pas dans la bonne direction c’est d’en être conscient. Le deuxième… c’est d’y porter attention, constamment. Bonnes décisions!

     Source:  Harvard Business Review Septembre-Octobre 1998 

     

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